Approche systémique de la prévention des fractures : le Projet Ontario
Conférencier : Earl Bogoch, M.D., FRCSC, Université de Toronto ; Hôpital St-Michael’s, Toronto, ON.
Le message principal du Dr Earl Bogoch a porté sur l’importance de déterminer et de traiter l’ostéoporose après une fracture de fragilité, afin de prévenir de futures fractures, surtout celles de la hanche.
Le manque de soins aux patients après une fracture de fragilité est un fait bien connu qu’on retrouve partout dans le monde. C’est un problème important ; l’ostéoporose est une cause sous-jacente des fractures chez environ 80 % des patients de plus de 60 ans hospitalisés pour fracture. À partir de 50 ans, la moitié des femmes et un cinquième des hommes risquent d’avoir une fracture ostéoporotique. Le fardeau économique a été bien établi, tout comme la morbidité—et la mortalité—individuelle importante, chez ceux qui ont des fractures de la hanche, avec perte de fonction et d’indépendance.
La méthode actuelle pour traiter les patients ayant une fracture de fragilité peut ne consister qu’en un traitement de la fracture ; la littérature médicale indique que seuls environ 20 % des cas reçoivent l’attention et la prise en charge appropriées à l’ostéoporose sous-jacente.
Le Dr Bogoch a fait la critique du modèle traditionnel de soins qui ne repose que sur l’expertise et l’initiative d’un seul médecin, ce qui joue un piètre rôle dans les soins de l’ostéoporose. Les chirurgiens s’occupent des fractures, mais souvent personne ne fait attention à la santé osseuse des patients. La solution qu’il a proposée consiste en un système conduisant au diagnostic et au traitement, plutôt qu’en un modèle de soins ne reposant que sur un seul médecin.
Il y a dix ans, le Dr Bogoch a mené une étude dans cinq hôpitaux ontariens. Les patients ayant eu des fractures du poignet, de l’épaule, des vertèbres ou de la hanche ont reçu une explication par écrit sur les risques de l’ostéoporose, et une lettre a été envoyée au médecin de famille recommandant un suivi de l’ostéoporose. Par la suite, moins des deux tiers ont consulté leur médecin de famille et, parmi ceux-ci, seuls 69 % ont eu une densitométrie. Le taux de traitement n’a que très peu augmenté, de 17 % (groupe témoin historique) à 24 %. Déçu par les résultats, le Dr Bogoch en a conclu qu’il ne suffisait pas de simplement informer les patients et les médecins ; il leur fallait un coordinateur pour promouvoir les soins appropriés.
D’autres études en Ontario ont donné des résultats similaires ; les taux de densitométrie et de traitement n’ont augmenté que de façon marginale, voire pas du tout. Le manque de succès de ces programmes a conduit à la décision de mettre l’accent sur le programme de coordinateur (Figure 1).
Dans ce programme, les coordinateurs ont évalué tous les patients orthopédiques hospitalisés ainsi que les patients externes dans leur clinique de fractures, patients qui avaient subi des fractures peu traumatiques du poignet, de la hanche, des vertèbres ou de l’humérus. Les coordinateurs ont évalué l’étiologie de l’ostéoporose et le risque de fracture des patients. Ils ont fait des recommandations aux patients, leur ont fourni du matériel didactique, ont communiqué avec leur médecin de famille et ont aussi suivi chaque patient de près.
Trois messages ont été adressés aux patients ayant eu une fracture de fragilité : 1) Votre fracture est probablement liée à une fragilité sous-jacente de l’os. 2) Ayant eu cette fracture, vous risquez maintenant une fracture de la hanche. 3) Le traitement est facile, sécuritaire et efficace.
Après un an, ils ont constaté que 95 % de leurs patients avaient reçu l’attention appropriée à leur ostéoporose. À 6 mois et à 1 an, trois quarts des patients avaient reçu le test de la DMO recommandé. Trois quarts de ceux qui avaient été adressés à un spécialiste l’avaient consulté et, au bout d’un an, 50 % respectaient leur médication. Le Dr Bogoch a signalé que des données plus récentes faisaient état de près de 85 % d’observance thérapeutique.
Selon le Dr Bogoch, des études similaires avec coordinateurs ou services de liaison pour les fractures ont indiqué une hausse comparable des taux de traitement. De plus, en travaillant avec un économiste de la santé, ils ont démontré que le programme de coordination était rentable, le salaire du coordinateur étant plus que compensé. En outre, dans leur cohorte de 500 patients, les fractures de la hanche prédites avaient diminué, induisant des économies considérables de frais d’hôpitaux.
Il y a aussi eu d’autres avantages à travailler avec un coordinateur : les chirurgiens orthopédiques étaient plus enclins à documenter les données sur la fragilité générale plutôt que de se limiter à la fracture ; il en a résulté une augmentation d’identification de l’ostéoporose atypique ; il y a eu une amélioration de la connaissance et de l’attitude des patients ; et il y a eu une augmentation des orientations appropriées vers les spécialistes de l’ostéoporose.
L’Ontario a maintenant pris un engagement pour une stratégie étendue de l’ostéoporose, et un budget annuel de 5 millions de dollars a été alloué à ce projet. Le programme comprend maintenant la plupart des types de fractures peu traumatiques, car on sait dorénavant qu’elles sont toutes des prédicteurs d’une future fracture de la hanche. Dix-neuf coordinateurs travaillent dans 33 cliniques des fractures à travers l’Ontario.
Ils ont commencé à évaluer les patients au début de 2007 et les résultats de la première année sont disponibles. Les coordinateurs ont vu plus de 26 000 patients, dont près de 13 000 ont répondu à des questionnaires de renseignements de référence. Ils ont éduqué 12 000 patients et sont intervenus auprès de leur médecin de famille ; ils ont conseillé plus de 10 000 patients d’aborder la DMO avec leur médecin de famille ; et 8 700 médecins de famille ont reçu une lettre recommandant un suivi de l’ostéoporose. Ces patients seront suivis, et leurs données seront associées aux données de l’ICIS et de Santé Ontario pour le calcul de futurs taux de fracture et pour connaître leur utilisation des médicaments contre l’ostéoporose, dans le groupe des plus de 65 ans.
Victoria Elliot-Gibson, coordinatrice pour l’ostéoporose à l’hôpital St-Michael’s et consultante du programme Ostéoporose Canada, a été la coordinatrice initiale du programme, et elle s’est adressée aux participants du symposium. Elle a expliqué que les coordinateurs du dépistage de l’ostéoporose sont engagés par Ostéoporose Canada.
Tous les centres suivent un protocole pour dispenser des soins uniformes. Ils réalisent les dépistages grâce à diverses méthodes, car les coordinateurs n’ont pas les mêmes moyens dans tous les sites, se servant de dossiers électroniques, de graphes sur papier ou d’orientation aux urgences. L’évaluation de chaque patient est effectuée en zone privée. Les coordinateurs recueillent maintenant aussi des formulaires de consentement pour pouvoir utiliser les données à des fins de recherche. Les coordinateurs ont un réseau, dont le site Web est le www.OSCnet.ca. On y trouve un forum pour les questions à Mme Elliot-Gibson, ainsi que des articles pertinents pour que les coordinateurs puissent demeurer à jour dans leur domaine.