Séance de discussion : La maladie chronique et le vieillissement : les conséquences financières et les implications pour les politiques sanitaires
Conférenciers : Dr Béland et Dr Ballem
Président de la séance : David Levine, M.Admin, M.Phil, Président et Directeur général de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal.
Le M. Levine a présidé une période de questions et réponses ayant porté principalement sur les coûts des soins de santé.
Un membre de l’auditoire s’est enquis des décisions politiques prises après la crise économique des années 1990. De plus, puisque les dépenses provinciales en matière de soins de santé ont été réduites à peu près à ce moment, il s’est interrogé s’il s’était produit un transfert vers le secteur privé.
Le Dr Béland a rappelé qu’à la fin des années 1980 le gouvernement conservateur a commencé à réduire les transferts fiscaux aux provinces, et ce, en vue de leur élimination complète après le début des années 2000. Les transferts fiscaux ont continué à décroître au cours de la crise économique qui a débuté en 1989. Vers la fin de la crise, soit vers 1996, les transferts fiscaux ont chuté de façon importante tandis que le cycle économique était à la hausse. Même si les provinces disposaient de plus de revenus autonomes, face à une réduction aussi dramatique des transferts fiscaux, elles ont dû réduire leurs dépenses en matière de santé. Lorsque les libéraux fédéraux ont pris le pouvoir, ils ont réintroduit les transferts fiscaux en santé.
La variation des montants des transferts fiscaux étaient liées à la dette du gouvernement fédéral. Le ministre des finances Paul Martin s’était fixé pour but de réduire la dette accumulée depuis le gouvernement Trudeau. La fin des années 1980 et les années 1990 ont représenté une époque difficile sur le plan financier et les provinces ont été durement touchées. Pendant la crise, à savoir entre 1989 et 1992, plusieurs hôpitaux de Montréal et de l’Ontario ont fermé leurs portes.
Le débat sur l’assurance privée a pris une nouvelle ampleur. L’affaire Chaoulli a amené cette idée au premier plan lorsqu’un médecin a dénoncé la loi québécoise qui interdisait la prise en charge par une assurance privée de services couverts par l’assurance publique (services médicaux, hospitalisation). Le verdict rendu par la Cour suprême dans l’affaire Chaoulli précisait que si le temps d’attente par le gouvernement du Québec représentait un risque pour la santé des gens, l’interdiction de l’assu-rance privée était inconstitutionnelle et allait à l’encontre de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. C’est à ce moment que le gouvernement du Québec a permis aux Québécois d’acquérir une assurance et de recevoir des soins de santé privés, permettant par la même occasion la mise sur pied de cliniques médicales spécialisées. Le
Dr Béland a indiqué que plusieurs médecins appuyaient la privatisation des soins de santé et citaient le Québec comme un exemple à suivre dans le reste du Canada.
Le M. Levine s’est interrogé sur l’importance de la gestion des maladies chroniques au Canada. Sommes-nous arrivés à la conclusion que la gestion des maladies chroniques est essentielle afin de faire avancer notre système de santé ?
La Dre Ballem a expliqué qu’elle ne croyait pas que nous ayons un point de vue approfondi sur la gestion des maladies chroniques. Le Dr Béland s’est référé à un article en faveur de la gestion des maladies chroniques soulignant qu’au cours des quatre ou cinq prochaines années il serait nécessaire d’investir un milliard de dollars pour épargner 1,6 milliards pendant les six prochaines années. Le Dr Béland a dit douter qu’un administrateur des soins de santé soit prêt à aller de l’avant avec cette initiative sur la base de cette donnée.
La documentation scientifique n’est pas unanime sur cette question. Certains auteurs affirment que la gestion des maladies chroniques n’entraîne aucune épargne, mais plutôt une amélioration des soins, alors que d’autres soutiennent qu’elle permet de réduire les coûts. D’autres articles soutiennent que l’utilisation du modèle de soins des maladies chroniques correspond à une bonne pratique pour une médecine de qualité. Mais, pourquoi serait-il nécessaire d’investir un milliard de dollars si la solution est de pratiquer une bonne médecine ? Le M. Levine a indiqué qu’il doutait que les méthodes de paiement favorisaient une bonne médecine. Il croit néanmoins que les économies sont générées en fonction de la fréquence des visites aux salles d’urgence et de la clientèle souffrant de mala-dies chroniques.
Le Dr Béland a cité un rapport dans lequel l’auteur met en relief l’importance de la qualité de la pratique pour l’amélioration de l’efficacité. Les médecins sont des professionnels qui tirent un sentiment de satisfaction du travail bien fait. Dr Béland croit que nos politiques sont à même de mettre à mal cette dimension importante de l’activité professionnelle des médecins, c’est-à-dire le professionnalisme.
Un membre de l’auditoire a commenté que les dépenses en matière de soins de santé ne semblent pas être liées aux besoins mais plutôt aux ressources financières disponibles. Il a donné des exemples où il semble que le gouvernement dépense plus que ce qu’il doit. Il a aussi souligné que le plan stratégique prévoyait davantage de recherche alors que celle-ci entraîne l’accroissement des dépenses. Il a indiqué que le besoin de développer la recherche n’avait pas été démontré, que la surveillance visant à assurer le suivi n’avait pas été réalisée et que, pour cette raison, l’efficacité de ces programmes n’avait pas été démontrée.
Le Dr Béland a reconnu qu’il s’était centré sur les liens entre les coûts des soins de santé et un ensemble de facteurs, mais il n’a pas nié que ceux-ci soient également liés aux besoins en soins de santé. Il croit qu’ils sont importants dans une certaine mesure.
Il a dit qu’en matière de méthodes d’intervention, certaines visent l’individu (relation clinique). C’est à ce niveau que l’on peut améliorer l’efficacité et contrôler les coûts. On ne sait pas comment cette augmentation de l’efficacité se traduit dans le budget de l’hôpital ou le budget général de la province, mais nous devons croire qu’elle aura un effet. Il a ensuite souligné que le gouvernement tente de contrôler les coûts généraux en matière de santé. Il a procédé en quelques occasions en prenant des décisions radicales, notamment comme ça a été le cas au début des années 1990 au Québec et en Ontario. Par ailleurs, le gouvernement n’a pas démontré sa capacité d’influencer la relation entre le médecin et le patient.